Lennon ♦ Take my hand, knot your fingers through mine. Terminée.

Dès mon plus jeune âge, j'ai appris à être indépendante, à ne pas faire confiance à n'importe qui. Je me suis forgée un fort caractère. On m'a souvent dit compliquée et obstinée, il est vrai que je stagne souvent sur une idée et il est très dur de m'en faire penser le contraire. Comme je l'ai dit, je ne fais pas confiance à tout le monde. J'ai beaucoup de mal à m'attacher à une personne, si lors d'une première rencontre le courant ne passe pas, je ne cherche pas à voir plus, à re-contacter cette personne. J'ai beau être une barmaid, je suis assez bosseuse. Lorsque j'étais une étudiante, je fournissais le travail qu'on me demandait. Certes, personne ne peut m'envier de mon travail qui est celui de me trouver derrière un bar. Derrière ce caractère et cette allure masculine, je suis trop, beaucoup trop sensible. Je peux verser des larmes pour un simple rien.

Une erreur. Mon père m'a toujours vu ainsi. Je suis la deuxième et dernière enfant des Mainfield. Lors de ma naissance, ma mère nous quitta, la faute fût rejetée sur moi. Les relations que j'entretiens avec mon père n'ont jamais été joyeuses, au fil des années nous avons perdu contact. De plus, je n'étais pas un garçon comme mon frère, mais j'avais le comportement d'un vrai mec. Une dégaine masculine, je n'avais rien de féminin, je copiais mon frère dans ses faits et gestes, le suivait lors de ses sorties entre amis où je me retrouvais la seule fille, cela ne m'a jamais dérangé à vrai dire. Bien sûr, j'ai grandi, je suis tombée amoureuse et j'ai commencé à faire plus attention à-moi, à mon allure, à mes cheveux.
« Lennon, tu te dépêches. Je ne vais pas t'attendre indéfiniment. » J'accélérai le pas, descendant les escaliers à tout vitesse. Le regard interloqué de mon frère qui me demandait où je comptais aller dans cette tenue. Cette tenue signifiait une légère robe blanche qui laissait une vue à mes gambettes, s'était la première fois que je m'affichais ainsi devant mon frère, plus féminine qu'à mon habitude. Ma queue de cheval habituelle laissait place à une chevelure blonde tombant sur mes épaules. Habituellement je portais un de mes vieux jeans et une chemise pris au hasard dans mon placard. « Pourquoi tu me regardes ainsi ? J'ai quelque chose qui cloche ? » Je me regardais de haut, remettant mes cheveux en place, et déposant mon doux regard sur mon frère, qui avalait sa salive, avant d'afficher un demi-sourire et passer son bras autour de mon cou. « Tu es superbe Le. » Il me connaissait par coeur, et il avait deviné que cette allure était destinée à un de ses amis, pour être plus précis, son meilleur ami. Ce jour-là, il n'avait pas daigné déposé un seul regard sur moi et m'adresser un seul mot, au contraire de ses autres bêcheurs. Un coup dur qui me fit prendre conscience qu'être féminine n'était pas faite pour moi. Le lendemain même je retrouvais ma queue de cheval et mon vieux jean troué préféré. L'amour n'était pas mon truc, j'étais mieux seule, assumant mon minable rôle de barmaid. Une vie complètement inutile.
« Dis, il t'a déjà parlé d'elle ? » Le "il" signifiait notre père, je m'adressais à mon frère, affalée sur le lit de sa chambre, où il écrivait sur quelques feuilles. Je ne vous l'ai pas dit ? Mon frère a toujours eu cette passion de l'écriture, un futur écrivain. Il déposait son stylo, pour venir me rejoindre en laissant son regard absent sur le plafond. « Il m'a toujours dit que tu étais son portrait. Un caractère fort cachant une personne sensible. Tu sais, tu ne dois pas lui en vouloir, il ne t'en veut pas de la mort de maman, seulement, il n'a pas supporté son départ. » Je me faufilais dans ses bras, où il caressait avec la pointe de ses doigts mon pâle visage. « Un départ qui date de vingt-trois. Jamais on aura une relation de père et fille, c'est trop tard. » Je m'étais beaucoup trop éloignée de la maison familiale pour cela. Mon frère avait beau de me dire le contraire, lui aussi le savait. Nous n'étions pas la famille Mainfield que ma mère aurait rêvé.